Métadiscours et menace sociale. L' "Etna chez soi" de Villiers de l'Isle-Adam et "Soumission" de Michel Houellebecq
Villiers de d’Isle-Adam et Michel Houellebecq ont ciblé les tensions de leur so-ciété pour en dévoiler les tabous linguistiques et se rapprochent par le méta-langage techniciste et la polyphonie du réel.
Les lecteurs bourgeois de la Troisième République ont été troublés par la «chronique» de Villiers L’Etna chez soi illustrant le projet de leur extermina-tion: l’écrivain avait manipulé l’«actualité sociale et politique» en exploitant surtout la propagande anarchiste. Par l’ambiguïté de sa posture d'énonciation -la volonté de rendre compte du réel selon le procédé morbide de l’écrivain-voyeur- et un engrenage descriptif rationnel, il a fait bousculer son lecteur entre le mécanisme fictionnel et celui de la véridicité scientifique. Peu appré-cié à l’époque et critiqué encore de nos jours, ce récit visait à déstabiliser la ″solidité″ de la classe sociale responsable du système politique et qui conti-nuait à sous-estimer la production de l’écrivain.
Dans Soumission, Houellebecq projette –par le procédé dystopique et la spa-tialisation- «une société dans tous ses états»: en poussant ce nouveau réa-lisme jusqu’à ses extrêmes limites, il parvient à une subversion idéologique. En suivant l’existence de son protagoniste, sorte d’anti-héros célibataire et par l’émergence du malaise français quant à la question de l’identité natio-nale, on retrouve en filigrane la faillite de la laïcité, l’attitude opportuniste des autres personnages -les universitaires en particulier- face à une prétendue islamisation de la vie française: le sujet du roman a été jugé tantôt comme une sorte de science-fiction politique, tantôt comme une mise en perspective «polémiste» du système politique et social français.
Les deux procédés ont posé la question de la liberté et de la responsabilité de l’écrivain et ont remis en discussion le pouvoir des media dans la vie poli-tique et dans la formation de la pensée collective.