Selbstvernichtung. La Shoah et l’«auto-anéantissement» des Juifs
Dans les pages des Cahiers noirs, qui vont de 1942 à 1945 Heidegger vient à parler des Juifs dans trois passages contigus à sa réflexion sur la technique. Le second passage, central, contient l'interprétation onto-historique que Heidegger donne de la Shoah. Dans ce passage, le grand topos de la philosophie du XXe siècle, le silence de Heidegger sur Auschwitz, disparaît. Le nom de l'extermination est pour Heidegger Selbstvernichtung. Si la « question juive » est une question métaphysique, la résolution sera elle aussi métaphysique. La Endlösung, la « solution finale », dès lors qu'elle est interprétée dans le cadre de l'histoire de l’être, se révèle comme « auto-anéantissement ». Heidegger interprète l'extermination comme un « auto-anéantissement », conformément à son antisémitisme métaphysique : ce sont les Juifs qui se sont auto-anéantis. Agents de la modernité, complices de la métaphysique, les Juifs suivent le destin de la technique, que résume le mot Verzehr : les usuriers sont soumis à l’usure, les consommateurs se consument, les destructeurs finissent par se détruire eux-mêmes.